Pugey dans la guerre de 1870-1871

La guerre franco-prussienne de 1870-1871.

Massacre des cuirassiers dans le village de Morsbronn lors de la bataille de Reishshoffen (E. Detaille domaine public)

Massacre des cuirassiers dans le village de Morsbronn lors de la bataille de Reishshoffen
(E. Detaille domaine public)

Le roi de Prusse Guillaume 1er prétend à la couronne d’Espagne devenue vacante, ce qui est inacceptable pour l’Empereur Napoléon III. Suite à la demande de renoncement exigée par les Français, le chancelier Bismarck envoie une dépêche diplomatique (la dépêche d’Ems) qui est considérée comme insultante par la France. Le gouvernement déclare la guerre à la Prusse, fort du jugement du chef d’état-major le général Leboeuf qui déclare « il ne manque pas un seul bouton de guêtre à notre armée » et que l ‘armée prussienne n’existe pas.Le 2 août les troupes de Guillaume 1er pénètrent sur le sol français et une série de défaites s’ensuit, à Wissembourg, Reichshoffen (où l’arrière grand-oncle de Michel Buttet était cavalier), Forbach, Saint Privat. Enfin le 2 septembre l’empereur encerclé dans Sedan capitule.Le 4 septembre la République est proclamée, les Prussiens n’ayant plus de résistance devant eux assiègent Paris le 19 septembre.La République rétablit la conscription et reforme une armée dans la région de Bourges avec pour mission de libérer Paris. Malgré quelques victoires au cours du mois d’octobre cette armée que l’on appellera l’armée de la Loire ne parvient pas à desserrer l’étau qui enserre la capitale.

La guerre en Franche-Comté :

Le 3 décembre Belfort est assiégée et le gouvernement décide de confier une partie de l’armée de la Loire au général Bourbaki avec pour mission de libérer les troupes assiégées et marcher avec elles sur Nancy et Metz pour couper le ravitaillement des Prussiens. Cette armée de l’Est va débarquer début janvier 1871 à Dole et Besançon et marcher sur Belfort par un hiver particulièrement dur, 20 centimètres de neige, des routes glacée et une température de – 20 degrés. Le 9 janvier, elle réussit à mettre en déroute les Badois du général Von Werder à Villersexel, mais les 16 17 et 18 janvier malgré de rudes combats autour d’Héricourt elle ne parvient pas à briser la défense allemande.  Les Prussiens ayant dépêché 2 corps d’armée, commandés par le général Manteuffel, à marche forcée depuis Paris pour porter secours aux Badois, le général Bourbaki donne l’ordre à ses troupes épuisées de se replier sur Besançon afin de se reconstituer.

Monument du Mont Gardot

Monument du Mont Gardot

 Mais les Prussiens les prennent de vitesse et parviennent le 21 janvier à Dole où ils capturent 230 wagons de ravitaillement destinés à l’armée de l’Est, puis le 23 à Byans, Quingey et Mouchard pour bloquer la retraite vers Lyon. Le général Bourbaki va dépêcher le 24 janvier son 15eme corps d’armée pour faire face à cette menace.  Le général Martineau des Chenez qui commande ce corps installe son poste de commandement à Pugey et son artillerie sur le « plateau de Pugey » emplacement actuel du fort. Les troupes seront déployées à Vorges et Busy et les combats violents qui auront lieu au Mont Gardot les 26 et 27 janvier feront 327 victimes.

 

la retraite de l'armée de l'Est du general Bourbaki pendant la guerre franco-allemande de 1870 (Edouard Castres‎ domaine public)

La retraite de l’armée de l’Est du general Bourbaki pendant la guerre franco-allemande de 1870 (Edouard Castres‎ domaine public)

Le général Bourbaki devant cette situation désespérée tente de se suicider et cède son commandement au général Clinchant. Il ne reste plus qu’une solution, la retraite par Pontarlier et le long de la frontière suisse. Il détache à la place de Besançon 2 divisions pour renforcer sa défense, la 1ère division du 20eme corps au nord et la 2eme division du 15eme corps au sud-ouest chargée de protéger la route de Pontarlier. Ce sont des troupes épuisées par 3 semaines de marche, par les combats, par le froid, par le manque de vivres qui vont cantonner à Pugey et dans les villages alentours, et mettre en défense ce secteur vital que l’on nomme à l’époque la porte du plateau, cet isthme de 2.5 km entre Loue et Doubs bordé de falaise et barré par les crêtes de la Grange rouge Larnod et Pugey. Le reste de l’armée de l’Est voyant sa retraite coupée sur les plateaux du Jura et trahie par les conditions d’armistice du 28 janvier dont elle sera exclue, n’aura d’autre issue que l’internement en Suisse. Le 2 février ce sont 87 847 hommes qui franchissent la frontière aux Verrières sous la protection du 44eme d’infanterie qui se sacrifiera au combat de la Cluse.  Le 13 février l’armistice s’étend enfin à la Franche Comté mais les troupes restent sur place pour assurer la sécurité de la place, les combats pouvant reprendre à tout moment.

L’hôpital militaire du Chalet d’Arguel :

Le redoux qui survient au début février amènera avec l’humidité et la surpopulation d’hommes physiquement épuisés une série d’épidémies (typhoïde, tuberculose, typhus) qui vont décimer ces pauvres gars. Au village d’Arguel stationne le 29eme mobile du Maine et Loire, plus de 2000 hommes cantonnant dans les 15 maisons du village de cette époque, dans des conditions d’hygiène très précaires. Le chalet d’Arguel sera transformé en hôpital de campagne (on disait à l’époque ambulance) et les gens y meurent par dizaines. Comme il est situé sur la commune de Pugey, les décès seront enregistrés à l’état civil de la commune. DSCN2375Entre le 26 janvier et le 4 mars 1871, on note sur les registres de l’état civil de Pugey 49 actes de décès concernant des soldats de l’armée de l’Est qui ont été enterrés dans une fosse commune au cimetière du village (jusqu’en 1915 les soldats morts au combat n’ont pas de sépulture individuelle et les corps ne sont pas rendus aux familles). Le registre montre que si seulement 2 soldats sont morts de blessures, le 29eme Mobile du Maine et Loire a payé un lourd tribut aux épidémies avec 19 morts, et la légion étrangère avec 11 morts. Les archives municipales conservent également un certain nombre de livrets militaires de soldat décédés dont certains sont encore tachés de leur sang. L’un de ces livrets a particulièrement attiré notre attention, celui du mobile Drouault René qui contenait encore les lettres adressées par ses parents, et dont nous faisons une copie (traduite).


Saint Vincent le 8 octobre 1870

Mon cher fils

Lettre Soldat armée de l'est 5Je répond à ta lettre qui nous a fait beaucoup plaisir de savoir que tu te porte bien tant qu’à nous nous portons tous bien pour le moment et on désire que la présente te trouve de même François Drouault a reçu ta lettre ils te font bien des amitiés François Drouault il nous a dit que Lazar avez écrit à sa mère voilà huit jours lis et aux environs de belfor il se porte bien gabriel Drouault il nécrit point ni tout les autre nomplus le fils froger est à paris mais il nécrit point je te dire ausi que les garçons de 20 à 40 ans on été à saincalais lundi le 10 pour paser la révision il y en a beaucoup de pris ils on pas regardé à la taille card ils on pris le fils guilbaux je te dire aussi que les conscrits sont parti de mercredi le fils beige il vas dans le 6eme cuiracier à lyon et le fils roncier il vas à nime je te direz aussi que la garde mobile est à blois et le fils prospère huge est à vendome en éclareur et alexandre chevalier ainsi que les autre homme ils sont encore au mans rien autre chose à te marquer pour le moment je fini ma lettre en ten brassen de tou notre cœur ton père et ta mère

Signé Drouault

Mon cher frère nous te faison bien des amitiez ainsi que notre grand père et ta maraine ainsi que notre oncle francoeur et tous les voisin et les amis justine el te donne 40 sousMon cher fils nous tenvoyon 22 fran sitot que tu en aura besoin nous recrira surtout je te prie de ne pas etre lontant san nous ecrire card on est toujour en peine et nous alon etre en peine aussi si tu a reçu to ajans.

René Drouault avait 19ans lorsqu’il est venu mourir à Pugey le 6 février 1871

Merci à Christophe Bassand et Guy Mollaret pour leur aide dans ces recherches.

Jean NUNINGER 2015

Bibliographie :